“L’intox c’est nous” : un décryptage précis et salutaire du monde de la désinformation 

La nouvelle websérie documentaire de France.tv Slash, “L’intox c’est nous”, explore en profondeur le monde de la désinformation et propose quelques pistes pour en sortir. Une réussite.

Par Pablo Maillé

Publié le 21 mai 2019 à 11h45

Mis à jour le 08 décembre 2020 à 00h54

Cest une voix sombre et lancinante qui ouvre la nouvelle websérie documentaire de France.tv Slash, L’intox c’est nous. Prononcé au milieu de dizaines d’écrans numériques sans cesse réactualisés, l’avertissement sonne d’autant plus grave : « Elles sont toujours là, au fond de nos poches ou dans un coin d’écran. Dans la rue, au bureau, ou sous la couette. De jour comme de nuit, vacances et week-ends compris. Elles débordent de nos applications et de nos réseaux numériques. Elles vibrent, sonnent et clignotent (...) Chaque notification donne le signal : une nouvelle info est tombée. »

Manière habile (quoiqu’un peu anxiogène) d’entrer dans le sujet, l’introduction de ce premier épisode résume bien l’ambition globale de la série : comprendre comment fonctionnent les mécanismes de désinformation pour mieux s’en prémunir. Entre la surabondance des contenus informationnels en tout genre, leur phénoménale vitesse de circulation ou encore la prégnance des outils numériques sur notre quotidien, la tâche est plus que nécessaire. Et le défi, colossal.

Réalisé par le journaliste et comédien Julien Goetz (déjà auteur des excellents Jeu d’influences et DataGueule), L’intox c’est nous a le mérite de proposer de véritables pistes de réflexion sur le sujet. Souvent condamné à la simplification, le terme de « fake news » en prend ainsi pour son grade : dans le premier épisode, Claire Wardle, directrice de l’ONG First Draft News, décortique cette appellation devenue bien trop fourre-tout et, surtout, sujette à de nombreuses déclinaisons, qu’il convient de distinguer (mésinformation, désinformation, propagande, mensonge, contenu partisan…).

Autre exemple : l’épisode 5, « Sous le capot des réseaux », où sont cette fois examinées les « logiques de nos tuyaux numériques ». Au premier rang desquelles l’économie de l’attention, modèle publicitaire et économique déclaré incontestable par les grandes plates-formes et ici exposé sans simplisme mais avec simplicité (et de belles illustrations). La série rappelle notamment que les réseaux sociaux recrutent beaucoup de psychologues et de designers pour faire en sorte que leurs utilisateurs partagent les publications… qui flattent le plus leurs propres biais cognitifs. Ce faisant, le contenu même de la publication « devient un prétexte », et c’est la « production de données » qui compte le plus pour les grands groupes et leurs algorithmes.

Est-il pour autant possible de sortir de cette logique ? Comment prendre du recul sur le phénomène ? Le sixième et dernier épisode prend soin, à ce titre, d’éviter les solutions miracles ou la culpabilisation, tout en offrant à son spectateur quelques portes de sortie bienvenues : éducation aux médias, fact-checking en lien avec les citoyens, meilleure contextualisation des textes et des images, incitations économiques, réglementation contre le monopole des grandes plates-formes… Si les intox sont un problème collectif, L’intox c’est nous veut croire que les solutions pour les combattre le seront aussi. La lutte ne fait que commencer.

 

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